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DE LA VILLE DE PARIS.
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Sa Majesté avoit volunté sur toute chose de mectre fin et prompt remede à la guerre et que, pour ce faire, Monsieur estoit prest avecq ses trouppes et compai­gnée monier à cheval, mais que à cest effect, pour y parvenir, est besoing et necessaire promptement re­couvrer de son peuple, mesmes en ladicte Ville, la­dicte somme de vic m. livres, sans ce qu'il entend les charger plus que les autres villes et estatz, qui avoient faict et faisoient ce qu'ilz pouvoient.
Quant à l'Eglise, elle avoit fourny cy devant sept cens mil livres et trois millions, qu'elle avoit encores
milles maisons ou environ, dont nul ne sera exempt ; considérait que par le passé luy a esté fourny grans deniers, mais que ce a esté avecq prouffict honneste. Et finablement Monsieur la supplioit à ce voulloir adviser et deliberer, et en rendre prompte responce, pour ce que l'affaire ne pouvoit endurer aucune lon­gueur, et que ce regarde le bien commung de tous ; aussy que c'estoit la premiere requeste qu'il avoit faicte à icelle Ville.
Et sur ce Monsieur et sa compaignée s'est retiré au grand Bureau, où luy a esté presentée et prinse la collation, actendant la responce de la conclusion de ladicte assemblée.
A l'instant, la matiere mise en deliberation, a esté conclud et deliberé par la plus grande et seine partye des assistans à ladicte assemblée de donner et octroyer gratuitement à Sad. Majesté, pour l'effect dessusdict, la somme de trois cens mil livres, à prendre sur tous les detempteurs des maisons et jardins assis en ladicte Ville et faulxbourgs, soient proprietaires ou locatifz, le fort portant le foible, et que au payement et contribution dc ladicte somme [tous], tant exempt que non exempt, previlegiez ou non previlegiez, de quelque estat, qualité ou condition qu'ilz soient, se­ront contrainctz en lamaniere en tel cas acoustumée f'2'.
promis
O.
La noblesse y a emploié et emploie ses personnes et biens.
Et pour le regard du plat pays, encores qu'il ayt esté foulle et oprimé des gens de guerre, comme chacun sçait, en a esté tirée la taille, et si en recep-vera Sad. Majesté ce qu'elle poura.
Neantmoings, affin de facilliter les moiens de l'execution de sad. volunté et que la charge soit comme à tous, a advisé requerir ladicte Ville delad, somme de vic m. livres, par don gratuit, à prendre sur les bourgeois, manans et habitans de lad. Ville, le fort portant le foible, ce qu'il estime se pouvoir aisément faire, d'aultant qu'il dict y avoir quatorze
<" Pierre Brulart dit à ce sujet: "Fut, en ce mesme temps, faicte une distribution sur toutes les communautés, chapitres, abbaies et prieurés, pour le despartement de la subvention qui avoit esté accordée au Roy, de la somme de dix huict cent mil livres, outre les décimes ; et cette distribution fut faicte fort inesgalement par les s" Cardinal de Bourbon, Lorraine et de Guise, et exemptèrent des leurs ceux qu'ils voulurent et chargèrent sur les autres bénéficiers du diocèse, dont il y eust de grandes clameurs et plaintes envers le Roy.- (Journal cité, p. 195). L'auteur des lignes qui précèdent était intéressé dans la question et bien renseigné, car il était abbé de Joyenval et chanoine de Notre-Dame.
<8' Dès le 17 du mème mois', Charles IX, qui avait un pressant besoin d'argent, adressa de Saint-Maur-des-Fossés un mande­ment exprès au Prevôt des Marchands et aux Echevins, pour les inviter à procéder sans retard à la répartition sur les bourgeois de la Ville et à la levée de cette somrne de 3oo,ooo livres. Nous en donnons les principales dispositions : "Comme pour l'entretenement de l'armée qu'il nous convient mectre sus, pour rompre les desseings et mauvaises entreprises de ceulx qui se veullent encores emparer de noz villes, places et Chasteaux et derechef troubler nostre estat et le repos de nostre pauvre peuple, il nous soit besoing de recou­vrer en toute dilligence la somme de trois cens mil livres tournois qui nous a esté depuis peu liberallement octroyée et en don gratuit, en l'assemblée generalle qui a esté faicte de tous les estatz de nostredicte Ville, en l'Hostel d'icelle ; aultrement il nous seroit du tout impossible de pouvoir camper ny dresser nostredicte armée ailleurs que ès environs de nostredicte Ville, qui tournerait à la foulle, oppression et totalle ruyne de noz pauvres subjeetz, les manans et habitans de nostredicte Ville. A ces causes, nous voullons, vous mandons et très expressement enjoignons que appellez avecq vous les seize quarteniers, dizainiers et cinquanteniers de nostredicte Ville, et, en la presence de deux officiers de noz Courtz souveraines et deux notables bourgeois de chascune dizaine, vous faciez en toute dilligence imposer et lever lad. somme de m" m. livres sur tous les detempteurs des maisons, eschoppes et jardins scituez et assis en lad. Ville et faulxbourgs, soient proprietaires ou locatifz, le fort portant le foible, et que au payement et contribution de lad. somme toutes personnes, tant exemptz que non exemptz, privilegiez ou non privilegiez, de quelque estat, qualité et condition qu'ilz soient, tant d'église que séculiers, seront contrainctz, selon les roolles qui en seront signez et expédiez par vous et lesd, depputez et commissaires, et ce par toutes voyes et manieres deues, mesmes par saisie et vente de biens, etc.). (Original, Archives nai., K 959, n° 29.)
D'après un chroniqueur, le maximum de l'imposition pour les plus riches ne dépassait pas 3co livres ; mais on eut toutes les peines du monde à faire une répartition équitable en prenant pour base la fortune de chacun, qui ne pouvait étre que livrée à l'apprécia­tion plus ou moins juste des commissaires. "En quoy il y eust de grandes inesgalités et plainctes sur ce faictes. Tant y a que le Roy ne peust onc trouver la somme, à quarante mil livres près». (Journal de Pierre Brulart, dans les Mémoires de Condé, in-4°, 1743 , I. I, p. 195.) On verra ci-dessous en effet que les fonds n'étaient point encore rentrés au mois de décembre, et qu'on dut avoir recours à de nouveaux expédients.